Poules plein airLa lettre ouverte adressée le 10 novembre aux Ministres de l’agriculture, de la transition écologique et de la santé est désormais signée par 25 organisations - syndicats agricoles, associations citoyennes, organisations de protection de la nature et organisations de protection animale - qui demandent au gouvernement de changer radicalement de politique face aux épizooties.

Il y a urgence à agir alors que, depuis plusieurs jours, l'ensemble du territoire national est placé en risque « élevé » grippe aviaire. Cette décision entraîne de fait l'obligation d'enfermer toutes les volailles, sur tout le territoire, y compris pour les éleveurs plein air.
Cette obligation va donc condamner les élevages de plein-air, bien qu'elle ait fait la preuve de son inefficacité.
Elle s'ajoute à la décision d'abattage préventif d'animaux sains, sans discernement.
Aucun enseignement n'a été tiré des crises précédentes. La gestion sanitaire se limite une nouvelle fois à la claustration obligatoire généralisée et aux abattages préventifs massifs d'animaux sains pour protéger les couvoirs, les élevages de reproducteurs ... afin de remplir les bâtiments des productions industrielles au plus vite. C'est exactement ce que dénonce cette lettre ouverte qui demande au gouvernement de changer radicalement de politique sanitaire.

Ne pas agir maintenant, c'est décider de faire disparaître définitivement l'élevage plein-air en France.


Signataires LO 3 miistres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Messieurs les ministres,

Depuis plusieurs années, la circulation des épizooties semble s’accélérer. Le monde de l’élevage, mais aussi la faune sauvage, la flore et les humains sont durement impactés.
Au-delà des risques sanitaires qui pèsent sur leur cheptel, certain.es éleveurs et éleveuses sont ainsi confrontés à de nouvelles réglementations qui menacent leurs pratiques vertueuses pour l'environnement, les animaux et la production d'une alimentation saine et de qualité. Ces dispositions réglementaires sont en contradiction avec d'autres législations ou réglementations promouvant la transition écologique de nos modèles agricoles et alimentaires dans un contexte de réchauffement climatique et d'effondrement de la biodiversité et face à des attentes citoyennes en évolution.
Pire, la gestion de certaines maladies animales en élevage industriel contribue désormais à transformer les filières en réservoir de pathogènes, menaçant directement la faune sauvage.

Pour prévenir l’apparition et la diffusion de la peste porcine africaine, le ministère de l’agriculture a mis en place des mesures dites de « biosécurité » totalement incompatibles avec l’élevage de porcs en plein air : cloisonnement des zones d’élevage avec des doubles clôtures d’1,30 mètre de hauteur, sas sanitaire et marche en avant pour entrer dans les parcs des animaux, etc. Ces mesures impliquent des investissements et des charges d’entretien disproportionnés, d’autant plus importants que les surfaces accessibles aux porcs sont grandes. Ces dispositions rendent impossibles, de fait, les pratiques reconnues pour leurs intérêts écologiques et de bien-être animal, telles que l’intégration des cochons dans la rotation des cultures, ou encore la mixité des espèces domestiques sur de mêmes surfaces.

Concernant les élevages de volailles et de palmipèdes, la pratique de l’élevage plein air a été interdite sur l’ensemble du territoire national de novembre 2021 à mai 2022 et ce, en dépit de toutes les préconisations scientifiques relatives à l’expression des comportements animaux. Elle est de nouveau restreinte dans de nombreux territoires depuis cet été. Par ailleurs, la mention "plein air" sur les œufs ou la viande n'est aujourd'hui pas fiable pour le consommateur puisqu'elle ne garantit aucunement que les volailles aient été confinées ou élevées en plein air.

Ces mesures délétères pour l’élevage plein air ne sont ni nécessaires, ni efficaces pour endiguer les épizooties. Ainsi, alors que la claustration des volailles était en vigueur, la France a connu le pire épisode d’influenza aviaire de son histoire en 2022. Il est désormais démontré que les pratiques liées aux élevages intensifs (entassement des animaux, transport d'animaux vivants sur de longues distances, etc.) favorisent l'émergence et la diffusion des maladies. L’inaction de l’État concernant la diffusion de l’influenza aviaire par les filières animales industrielles se traduit aujourd’hui par une large contamination des oiseaux sauvages, migrateurs et sédentaires.

Par le présent courrier, nos organisations souhaitent vous faire part de leur inquiétude grandissante face à ces mesures de gestion sanitaire. Les mesures de biosécurité actuelles mettent en danger la viabilité économique des fermes élevant des porcs et des volailles en plein air, allant jusqu'à dissuader les futurs éleveurs et éleveuses de s’installer dans des systèmes plein air, voire entraînant des cessations. Alors que le renouvellement des générations agricoles et l'accompagnement des agriculteurs dans la transition écologique sont des enjeux primordiaux qui vont faire l'objet d'une loi, jusqu’où le gouvernement souhaite-t-il continuer à soutenir des modèles industriels dépassés, où les densités d’animaux sont élevées et où les flux de personnes, de matériel, de matières et d’animaux sont incessants ?

L’effondrement de l’élevage plein air, et des filières de qualité qui lui sont liées, représenterait un très mauvais signal politique, tant pour la recherche de souveraineté alimentaire de la France que pour les citoyennes qui revendiquent le droit d'avoir accès à une alimentation de qualité. Mais aussi pour l’élevage en général, qui perdrait là beaucoup du sens que notre société lui reconnaît : certains consommateurs se détourneront purement et simplement d'un élevage et d'une consommation carnée ne répondant plus à rien. Ces décisions en porteront la responsabilité.
Enfin, nous nous questionnons sur les perspectives du gouvernement quant à la protection de l’environnement et de la faune sauvage.

Nous, organisations agricoles, citoyennes, environnementales et de protection animale, demandons au gouvernement de changer radicalement d'approche face aux épizooties : plutôt que de pointer du doigt l’élevage plein air et de d'encourager l'industrialisation des filières et l'intensification des pratiques, nous demandons à l’État qu'il cesse de prioriser systématiquement les intérêts économiques des filières dans l’élaboration des politiques sanitaires agricoles et alimentaires, au bénéfice d’un double objectif : l’efficacité sanitaire et la réponse aux attentes des citoyennes et citoyens. Cela doit passer par :
- La mise en place d’un « principe de protection » de l’élevage plein air et des modes de production respectueux des animaux et de l’environnement ;
- La désintensification des productions animales (limitation de la taille des élevages, baisse des densités animales par bâtiment, dé-densification des zones de forte concentration d'élevages avicoles et porcins...) ;
- La concertation des représentant.es de la société civile dès lors que l’alimentation, l’environnement, la santé humaine et le bien-être animal sont concernés par des politiques sanitaires du ministère de l’agriculture.

Comptant sur votre engagement,

Nous vous prions d’agréer, Messieurs les ministres, l’assurance de nos salutations distinguées.


 Photo : Meusiennes - jean-Claude Périquet

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