loof2Le point de vue du Livre Officiel des Origines Félines sur la stérilisation précoce et systématique des chats de race.

Le dernier volet du plan pluriannuel de stérilisation des chats domestiques (1) interdisant toute cession de chat non stérilisé, sauf dérogation, est rentré en application en Belgique le 1er septembre 2014.
Cette pratique, initialement venue d'Outre-Atlantique sous couvert de protection et de bien-être animal, est en fait dangereuse pour la diversité génétique des races félines, tant elle a tendance à devenir systématique.

Belgique : une réglementation qui interroge
Qu'est-ce que le plan pluriannuel de stérilisation des chats domestiques ?
Une loi aux ambitions louables de réduire, par le biais de la stérilisation, les populations félines errantes, particulièrement dans les villes, et de désengorger les refuges où trop de chats sont euthanasiés faute de trouver un propriétaire.
Ce projet, planifié sur plusieurs années, a débuté le 1er septembre 2012 avec l'obligation pour les refuges d'identifier et de stériliser les chats avant l'adoption (ce que les refuges français faisaient déjà depuis longtemps).
Le 1er septembre 2014, cette obligation de stérilisation a été étendue à « tout responsable qui veut commercialiser des chats » (Art. 4. § 1er). « En dérogation au § 1er, les chats non stérilisés peuvent être commercialisés s'ils sont destinés à une personne domiciliée à l'étranger ou à un éleveur agréé ».
Autrement dit, pour des raisons obscures, car les chats de race encombrent peu les refuges, un malthusianisme bien-pensant s'est propagé à l'élevage de sélection.

Un frein à l'expansion des chats de race
L'acquisition de chats de race « entiers » est désormais réservée aux éleveurs déjà installés et, on ne sait pourquoi, aux étrangers. L'élevage de chats de race, pourtant déjà bien réglementé en Belgique, ne pourrait donc plus connaître d'expansion, alors que l'on sait que des personnes de plus en plus nombreuses, surtout en ville, sont à la recherche d'un compagnon beau et gentil, bien adapté à la vie en appartement.
De plus, on ôte l'occasion pour certains de connaître la joie d'élever une portée, et qui sait, de faire naître des vocations en même temps que des chatons.

Le plan pluriannuel de stérilisation des chats domestiques pose un certain nombre de questions.
Qui a décidé, et pour quelles raisons, d'inclure les chats de race dans cette réglementation ?
Les éleveurs ont-ils été écoutés ?
Pourquoi les chiens, qui occupent autant de place dans les refuges voire plus que les chats, en sont-ils exclus ?
Et surtout, quels vont être les effets de cette loi liberticide ?

L'enfer (du Nord ?) est pavé de bonnes intentions
Renseignements pris auprès d'éleveurs, de vétérinaires et auprès d'un des principaux Livres d'Origines félins belges, le plan pluriannuel de stérilisation est, pour l'instant du moins, peu, pas ou mal appliqué.
Les vétérinaires, qui sont censés stériliser précocement les chatons avant leur cession, sont souvent réticents, par manque d'expérience, à intervenir sur de jeunes femelles d'à peine plus d'un kilo.

Une obligation peu appliquée
Lorsqu'il s'agit de chats "de gouttière", les propriétaires, quand ils existent, refusent de payer pour une intervention sur des chatons qu'ils ont déjà du mal à placer et la « noyade » refait surface.
Pour ce qui concerne les chats de race, il semblerait que la majorité des éleveurs ne respecte pas l'interdiction et continue à vendre des chats non stérilisés : l'aspect économique entre en jeu (125 € environ pour la stérilisation d'une femelle et 55 € pour un mâle, difficile à répercuter sur le prix de vente final).

Des contrôles quasi inexistants
Enfin, il est demandé aux vétérinaires de « signaler » les personnes qui cèdent des chats non stérilisés hors des conditions prévues par la loi. Certains ont déjà déclaré qu'ils ne le feraient pas...
Les contrôles, qui sont du ressort municipal, n'existent pratiquement pas, les villes ayant bien d'autres chats à fouetter dans cette période de crise socialement compliquée.
La délation semble le plus efficace des contrôles : une éleveuse ayant récemment payé une forte amende, dénoncée par un autre éleveur concurrent, pour avoir cédé à un particulier un chat non stérilisé.

Un protectionnisme mal venu
Bien qu'il n'existe, fort heureusement, pas de loi régissant la stérilisation des chats de race en France, notre pays n'est pas épargné par cette "épidémie" de stérilisations.
Cette fois-ci, le danger n'est pas réglementaire mais vient des éleveurs eux-mêmes. Il est aujourd'hui, dans notre pays, de plus en plus difficile d'acquérir un chat de race non stérilisé quand on est un béotien.
Écartons, pour qu'il n'y ait aucun malentendu, la stérilisation de tout sujet impropre à la reproduction pour des raisons morphologiques ou génétiques. Il est normal, et même « éthique » de stériliser un Persan aux narines pincées ou porteur de PKD (2) , par exemple. Ce qui l'est moins, c'est de proposer, systématiquement, à l'acheteur un chat déjà stérilisé même si celui-ci remplit tous les critères d'un chat conforme à la race.

La difficulté de créer un élevage de chats
Essayez de contacter un éleveur en lui disant : « je souhaite commencer un petit élevage et je voudrais acheter une bonne femelle ».
Dans la majeure partie des cas, les portes se fermeront, une à une. Et, si vous arrivez à obtenir un chat non stérilisé, ce sera à un prix plus élevé que celui d'un chat stérilisé, souvent assorti de contrats plus ou moins léonins concernant son utilisation et/ou sa descendance.
Parfois, les éleveurs ont eux-mêmes acquis des sujets à prix d'or avec contrat et craignent des représailles en cas de non-respect de celui-ci.
Mais le plus souvent, ce nouvel usage du chat castré émane de « jeunes éleveurs » (3 ou 4 ans d'élevage) qui revendiquent la protection de leurs lignées. On aurait envie de répondre protection de leur portefeuille si le sujet n'était pas si grave.

L'éleveur est un passeur
L'éleveur n'est pas propriétaire de « ses » lignées. Il est un passeur. Il hérite du travail de ceux qui étaient là avant lui et le transmet, en essayant de ne pas trop l'abîmer, à ceux qui suivent. Les arguments du type : « ils vont faire n'importe quoi avec mes chats » ne tiennent pas.
Beaucoup de ceux qui avancent de tels arguments ne savaient pas qu'ils allaient devenir éleveurs quand ils ont acquis leur première chatte. Ce protectionnisme mal venu n'est pas sans conséquences.
Les races félines ont des effectifs réduits, le choix des reproducteurs est assez limité et plus souvent dicté par la nécessité que par une réelle volonté. La stérilisation à outrance, telle que nous la connaissons actuellement, a des conséquences graves sur la biodiversité et tend vers l'appauvrissement des ressources génétiques.
Pour résumer, les éleveurs scient la branche sur laquelle ils sont assis, d'autant que ce protectionnisme est souvent plus marqué dans les races à petit effectif.
Conscient de cet état de fait, le LOOF met en garde contre les dangers de la stérilisation systématique des chats de race. Car aimer et protéger les chats, c'est aussi sauvegarder les races et leurs richesses.

(1) Arrêté royal relatif au plan pluriannuel de stérilisation des chats domestiques, Moniteur belge, 28 août 2012.
(2) Polycystic Kidney Disease


Catherine Bastide - LOOF 1, rue du Pré Saint-Gervais 93500 Pantin
Article paru dans PratiqueVet n°122 - Janvier 2015
Photos : Christophe Hermeline - LOOF/www.christophe-hermeline.com


 

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